La soie au cœur de la mode française : comment elle sublime chaque création
La soie, ce tissu somptueux au toucher délicat, incarne un symbole d'élégance et de luxe à travers les âges. Découverte il y a plus de 4000 ans en Chine, elle a longtemps été enveloppée de mystère, réservée exclusivement à l'aristocratie avant de conquérir le monde via les emblématiques Routes de la Soie. De la dynastie chinoise à la renaissance industrielle de Lyon, la soie a non seulement marqué l'histoire de la mode, mais a également tissé des liens indélébiles entre les cultures. Cet article plonge dans l'histoire fascinante de la soie et explore son influence indélébile sur la mode française, où elle continue de sublimer chaque création avec une grace intemporelle.
Histoire de la soie
L’origine de la matière possède le charme d’un joli conte. On raconte en effet qu’une princesse chinoise aurait découvert la soie, 2700 ans avant JC, en faisant tomber dans sa tasse de thé un cocon de bombyx (le ver à soie, qui lui-même est la chenille d’un papillon) tombé d’un mûrier au-dessus d’elle. Un long fil se serait dévidé lorsqu’elle aurait tenté de récupérer le cocon…La matière chinoise demeura un secret infiniment précieux et jalousement gardé pendant près de trois millénaires. Le ver à soie fut élevé dans le but de produire et de tisser la soie – un élevage que l’on appelle la sériciculture – et quiconque tentait de voler des vers à soie, des cocons ou même des œufs étaient condamnés à mort !Forte de cette situation de monopole, la Chine commerçait avec le reste du monde. On a appelé « route de la soie » les chemins, traversant déserts et montagnes pour relier l’Asie à l’Europe, empruntés à partir du IIème siècle par les caravanes qui transportaient diverses richesses à des fins commerciales, dont la principale marchandise et la plus prisée était cette matière .Le monopole prit fin au VIème siècle lorsque deux moines envoyés par l’empereur Justinien cachèrent des œufs de vers à soie dans leurs bâtons de pèlerin et les ramenèrent jusqu’à l’Empire Romain d’Orient (ou empire byzantin), aux abords de la Méditerranée. Le mûrier et son ver à soie furent introduits dans l’ancienne Péloponnèse et en Grèce, mais c’est la Sicile qui maîtrisa réellement la première la sériciculture en 1440 et put alors produire la soie pour le reste de l’Europe (et en premier lieu pour l’Italie).En France, la production de soie prit son essor sous Charles VIII qui fit planter des mûriers venus de Sicile et de Naples dans la région de Montélimar et encouragea les fabriques de soie de Lyon et de Tours par l’octroi de privilèges. Puis Henri IV, sur les conseils d’Olivier de Serres, fit intensifier la plantation de mûriers, fournissant aux agriculteurs gratuitement plants et graines de mûriers, ainsi que les œufs de bombyx. En 1850, la sériciculture française atteint un très bon niveau et Lyon devint un haut lieu de la soierie. Aujourd’hui, les pays asiatiques représentent environ 90% de la production de soie mondiale, avec en tête la Chine et l’Inde. Le leader historique est redevenu le premier pays producteur : la boucle est bouclée ! La soie ne représente cependant que moins de 0,2 % du marché mondial des fibres textiles : elle reste un textile rare, plus long et compliqué à produire que bien d’autres textiles. On estime qu’un article en soie coûte environ 20 fois plus cher que son équivalent en coton.
Comment fabrique-t-on la fibre de soie ?
La matière repose sur un savoir de fabrication qui se traduit en plusieurs étapes. L’élevage de vers à soie – ou sériciculture – englobe les différentes phases de fabrication de la soie, de l’éclosion des cocons jusqu’au dévidage du fil. Vient ensuite le temps de la filature, puis du tissage et enfin de l’ennoblissement.
En France, la sériciculture se pratique toujours dans quelques magnaneries.
1. Sériciculture
Les fils soyeux sont générés par la chenille d’un papillon de nuit nommé bombyx. En matière de soie de culture, il s’agit principalement du Bombyx du mûrier (Bombyx mori), une espèce obtenue par élevage et sélection.
D’abord œuf, puis larve, le Bombyx du mûrier traverse plusieurs phases de mue avant d’entamer sa grande métamorphose. Suite à la quatrième mue, les glandes séricigènes de l’animal entrent en action en sécrétant des protéines de soie appelées fibres protéiques. À partir de ce filament de bave ininterrompu d’environ 3 000 mètres de longueur, le ver à soie construit l’enveloppe qui l’abritera durant sa transformation en chrysalide, puis en papillon. Il consacre 2 à 4 jours à la confection de ce cocon qui se solidifie au contact de l’air.
La sériciculture nécessite de stopper le développement de la chrysalide à un stade précoce pour disposer de cocons en parfait état, ni percés, ni abîmés, condition sine qua non pour obtenir un fil de soie homogène et continu. Une dizaine de jours plus tard, on procède donc au « décoconnage » : les cocons sont prélevés, triés selon leur grandeur et leur qualité, puis « étouffés » en étuve à 80°C.
2. Filature de la fibre de soie
La filature comprend le dévidage, le décreusage, ainsi que le moulinage.
Dévidage : les cocons sont trempés dans de l’eau chaude pour les ramollir et dégager l’extrémité du fil afin de pouvoir le dérouler. Chaque fil étant très fin, 4 à 8 cocons sont dévidés à la fois pour obtenir un fil plus épais. Grâce au grès (ou séricine), le « vernis » soluble qui les enveloppe, les fils se soudent entre eux en refroidissant pour n’en former qu’un seul. Durant l’opération, ce fil de soie est enroulé autour d’un dévidoir, puis mis en écheveaux. Pour obtenir de la soie grège, une matière homogène de première qualité, les fils doivent être réunis sans subir de torsion.
Décreusage : La matière est plongée dans un bain d’eau chaude additionnée de savon pour la débarrasser du grès.
Enfin, le moulinage consiste à assembler les fils en leur appliquant une certaine torsion, afin de les rendre plus résistants en vue du tissage.
3. Tissage
Le tissage consiste à entrelacer les fils de chaîne (longueur du textile) et les fils de trame (largeur du textile) à l’aide d’un métier à tisser (métier à tisser à bras, métier Jacquard…) pour obtenir différents types d’étoffes et d’armures : satin, taffetas (armure toile), mousseline, crêpe, velours…
4. Ennoblissement
Pour finir, l’ennoblissement permet d’appliquer de multiples teintures et apprêts afin de donner l’aspect définitif au textile.
Les différents tissus de soie
Il existe un large panel de textiles 100% soie présentant des caractéristiques et aspects esthétiques différents. Voici un décodage des principaux termes employés pour désigner les tissus réalisé dans cette matière :
La mousseline de soie
La mousseline de soie est une toile de soie très fine, légère et transparente que l’on emploie pour des foulards ou éventuellement des petits tops féminins aériens ainsi que des nuisettes raffinées.
Le crêpe de soie
Le crêpe de soie est une matière obtenu par tissage avec un fil très serré qui génère un aspect subtilement ondulé, gaufré. Il est utilisé pour la confection de chemisiers, robes et lingerie. On parle aussi de crêpe de Chine.
La georgette de soie ou crêpe georgette
C’est un peu l’intermédiaire entre la mousseline de soie et le crêpe. Il est aussi fin, transparent et léger que la mousseline mais présente un aspect crêpé dû au tissage d’un fil très serré. On l’utilise en chemisiers, robes et lingerie.
Le satin de soie
Le satin n’est pas une matière mais une armure y’zue-n-erqz un mode de tissage (il existe donc aussi des satins de polyester). Le tissage satin rend les surfaces textiles incomparablement lisses et brillantes, il augmente donc d’autant plus le potentiel de brillance naturelle de la soie. Le satin de soie est fluide, irrésistiblement doux, « glamour ». On l’utilise pour l’habillement et la lingerie féminine. Il convient particulièrement bien aux chemisiers, nuisettes et robes de mariées. On peut aussi utiliser le satin de soie pour des doublures très chics de costumes masculins ou encore pour des cravates et nœuds papillons.
Le satin duchesse de soie
Le satin duchesse de soie provient d’une armure particulière de satin ; il est donc brillant mais aussi très lourd. On le réserve aux robes les plus exceptionnelles.
La soie lavée
On utilise un produit chimique qui « délave » la matière et lui fait perdre de son brillant. Ce tissu velouté au joli tombé est parfait pour la confection de robes et chemises.
La soie sauvage
La soie sauvage sublime le côté naturel de la soie en jouant sur un aspect irrégulier, plus brut. On utilise en fait des « déchets » de soie obtenus au moment de la filature. La soie sauvage est utilisée en habillement féminin ou en tissu d’ameublement.
Le taffetas de soie
Tissu épais, raide et « cassant » au toucher, le taffetas présente de multiples reflets, d’autant plus si les fils utilisés en chaîne (les fils verticaux dans le tissage) sont d’une autre couleur que les fils de trame (horizontaux dans le tissage) : on parle alors d’aspect changeant. Le taffetas donne naissance à des robes de soirée très habillées, des bustiers ou corsets, du tissu d’ameublement.
L’organza de soie
L’organza de soie (ou organdi, selon les fils employés), initialement importé d’Inde, est proche de la mousseline par la transparence, mais alors que la mousseline est très souple et comme « nuageuse », l’organza est au contraire rigide. Il peut être uni, changeant ou moiré. Il est tout indiqué pour les tutus, jupons, jupes volumineuses, voilages… Il est abondamment imité par l’organza de polyester, qui bien entendu ne possède pas le même chic !
Propriétés textiles de la fibre de soie
Très résistante, la fibre est également dotée d’une bonne élasticité et quasiment infroissable. Elle peut absorber rapidement un grand volume d’eau, ce qui facilite sa teinture.
Cette matière fait partie des fibres capables de réguler la température corporelle car elle est une très mauvaise conductrice de chaleur. Bien que son pouvoir isolant soit faible, il peut être amplifié par le fait de draper l’étoffe.
Tout comme la laine, la matière est une fibre naturelle d’origine animale (fibre protéique). Son entretien est semblable à celui des lainages, mais sans risque de feutrage.
Production
Chaque année, environ 600 000 tonnes de soie sont produites, majoritairement par la Chine (70 % de la production mondiale). L’Inde, le Japon, la Russie, le Brésil, la Corée, la Thaïlande et la Turquie figurent également parmi les pays producteurs.
La production française est anecdotique, mais la sériciculture et l’artisanat de la matière restent des spécialités régionales encore représentées par quelques magnaneries, dans la Vallée du Rhône, les Cévennes, le Languedoc ou les Pyrénées.
Applications et dénominations
La matière peut être utilisée en tant que fil à coudre ou étoffe dans le domaine de l’habillement et des accessoires (rubans, etc.)
Le fil de soie grège, la matière de la plus haute qualité, est utilisé après torsion pour tisser le crêpe de soie, l’organsin et la grenadine.
La soie schappe est une matière de deuxième qualité, fabriquée à partir de bourre de soie (déchets après dévidage).
La bourrette de soie est une matière de troisième qualité, caractérisée par des fibres très courtes et la présence de nœuds.
La soie sauvage, aussi appelée tussah, tussore ou shantung, est issue d’espèces de bombyx non domestiquées. Son fil est plus épais et moins régulier que celui de la soie de culture.